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Tout ce qu’il faut savoir sur le projet “En caisse!”

Dix ans après ses débuts en strip, En caisse ! revient en version longue. Même caisse, mêmes visages, mais plus rien à encaisser comme avant

Créée en 2013 sur Facebook, “En caisse !” est une bande dessinée née du besoin urgent de raconter, avec humour et acidité, le quotidien en grande distribution. Dès ses premières planches, elle met en scène des caissiers épuisés, des clients absurdes, un management déconnecté, le tout porté par un trait cartoon nerveux et des dialogues savoureux. Ce format court, pensé pour les réseaux, séduit immédiatement : chaque planche est une gifle comique, un gag sec sur une réalité trop connue.

En 2021, En caisse ! revient en force sur le site miklmayer.fr. Le contexte a changé : la pandémie de Covid-19 bat son plein, les personnels de caisse deviennent subitement des “premiers de corvée”. La BD se réinvente en intégrant le chaos sanitaire, les injonctions contradictoires, la peur, la désorganisation, les pénuries de gel ou de papier toilette. Les personnages restent familiers, mais leur quotidien se teinte d’absurde pur. C’est l’époque elle-même qui devient comique, et tragique à la fois. Ce retour marque un tournant : En caisse ! devient chronique sociale instantanée, collée au réel, au plus près de la tension.

Aujourd’hui, en 2025, En caisse ! s’apprête à franchir une nouvelle étape avec “Formation express”, projet de récit long en album, proposé au prix Raymond Leblanc. Plus qu’une suite ou un reboot, c’est une mue complète, une œuvre qui continue à suivre l’évolution du monde du travail — en particulier celui des invisibles. La BD garde ses racines dans l’humour, mais creuse davantage, observe plus longuement et donne du temps à ses personnages. C’est la même caisse, mais la caméra ne bouge plus aussi vite.

Dylan / Ethan : du choc comique à la fatigue chronique

En 2013, Dylan est l’archétype du jeune débutant projeté en caisse : naïf, motivé mais vite désabusé. Il provoque le rire par contraste : ses illusions se fracassent sur la réalité en trois cases. Son graphisme exagéré, ses mimiques enfantines, sa posture toujours en déséquilibre soulignent ce rôle de “petit nouveau perdu”.

Dans “Formation express”, Dylan n’est plus là, mais son héritier s’appelle Ethan. Plus jeune, plus fragile, il ne croit plus vraiment aux belles promesses, mais il a besoin d’un boulot pour survivre. Son regard est lucide, parfois résigné, et son dessin plus sobre, plus réaliste. Ethan ne découvre pas le monde du travail, il y entre déjà écorché.

Alexandra : le même sourire, dix ans plus tard

Alexandra est l’un des rares personnages à traverser toutes les périodes de la BD. Déjà en 2013, elle accueillait Dylan avec un sourire professionnel :

« Il y a une bonne ambiance ici. »

Avant d’enchaîner, en aparté :

« Une semaine en caisse et il sera calmé. »

En 2021, pendant la pandémie, elle reparaît pour transmettre les consignes de sécurité absurdes, changeantes, contradictoires. Toujours droite, toujours appliquée, mais visiblement à bout. La planche montrant la contradiction entre mars et avril (“les gants sont dangereux / les masques sont dangereux”) résume toute cette époque d’incohérences vécues de plein fouet par le personnel.

En 2025, elle est toujours là. Alexandra n’a pas changé de rôle, mais elle a changé de visage. Son sourire est devenu crispé, sa posture plus lourde. Elle tient, parce qu’il faut bien tenir. Elle fait partie de ces cadres de proximité broyés par un management distant et des équipes désengagées. Son dessin l’accompagne : traits affinés, regard chargé, épuisement contenu.

Yolande / Inchati : la mémoire des caisses

Yolande, dans les premières années, était l’icône de la caissière usée. Elle formait Dylan en insultant les clients sous cape. Elle disait tout haut ce que d’autres n’osaient pas penser. Son graphisme la rendait inoubliable : massive, expressive, féroce. C’était une arme comique, mais aussi un cri silencieux sur la lassitude professionnelle.

Dans “Formation express”, Yolande a disparu, parti pour une retraite méritée, mais Inchati prend sa place dans la fonction de référente de terrain. Plus nuancée, plus actuelle, Inchati n’est pas encore brisée, mais elle est sur la corde raide. Elle parle franc, elle connaît les raccourcis, elle a cessé de faire semblant. Son design est plus souple, ses expressions moins extrêmes, mais tout aussi parlantes.

Le graphisme : de l’impact rapide à l’ambiance immersive

Le style visuel de “En caisse !” a lui aussi évolué, en parfaite harmonie avec la narration.

Au départ, le dessin était pensé pour les réseaux sociaux : efficace, rapide, frontal. Contours épais, couleurs vives, décors schématiques, expressions exagérées. L’objectif était le rire immédiat, l’identification rapide.

En 2021, avec la reprise sur miklmayer.fr, le style se raffine : plus de profondeur, plus de contexte, un peu moins de caricature. La crise sanitaire impose une forme de gravité nouvelle. Les personnages restent reconnaissables, mais le monde autour d’eux devient plus pesant.

Avec “Formation express”, le graphisme passe un cap :

• Les expressions deviennent plus subtiles, plus humaines.

• Les décors sont plus présents, plus réalistes.

• La lumière varie selon les scènes : fluorescente, crue, douce, grise.

• Le découpage devient plus libre, cinématographique, laissant de la place aux silences et à la tension.

Une BD en phase avec les mutations du secteur

Ce qui rend cette évolution si pertinente, c’est qu’elle colle à la réalité de la grande distribution entre 2013 et 2025. La série capte, de manière presque documentaire, les grands tournants du secteur :

• L’évolution du rôle des caissiers, de piliers visibles à agents polyvalents invisibles.

• L’explosion des caisses automatiques, du drive, du quick-commerce.

• La pression croissante sur les équipes réduites, les arrêts maladie répétés, les burn-outs banalisés.

• La dégradation du lien client, l’agressivité croissante, les attentes irréalistes.

• Et plus récemment, la menace de fermeture, qui plane dans “Formation express”.

Sans jamais sombrer dans la démonstration, la BD incarne ces mutations à travers ses personnages, ses ambiances, ses dialogues. Elle ne commente pas : elle montre. Elle ne juge pas : elle donne à voir.

Tel est le projet proposé au prix Raymond Leblanc. L’objectif de Mikl Mayer est simple, publier un album prochainement, en faisant ce qu’il sait faire de mieux : Raconter avec humour et lucidité l’absurdité de la société actuelle.

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Mikl Mayer

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