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Quand la culture populaire infiltre la BD pour mieux parler de nous

Loin d’un simple jeu de références, “Petites histoires de Mes papas & moi” s’appuie sur la culture populaire pour explorer quelque chose de plus profond : la façon dont l’imaginaire s’infiltre dans nos vies quand la réalité devient trop étroite.

Dans l’univers de la BD “Petites histoires de Mes papas & moi”, l’imaginaire n’est pas réservé aux enfants. Il traverse toutes les générations, de l’adulte débordé au parent nostalgique, du copain un peu à côté de la plaque au gamin absorbé dans ses fantasmes héroïques. Et cela se remarque dès la première planche publiée dans La Fringale Culturelle, bien avant que la série ne prenne officiellement ce titre.

Dans cette scène fondatrice, tous les personnages principaux s’évadent chacun à leur manière, se projetant dans des figures empruntées à la culture populaire : chevalier, superhéros, sorcier, espionne… avant que la réalité ne vienne les rattraper de façon plus ou moins brutale : partage des tâches ménagères, bulletin scolaire manquant, moustique nocturne ou émission absurde sur les sous-vêtements masculins.

Comment fuir la corvée du ménage !
Comment fuir la corvée du ménage !

Ce qui aurait pu être un simple gag devient en réalité une clé de lecture de la série tout entière. On n’est pas dans un monde parallèle : on est dans un monde qui cherche des échappatoires.

Une société en déficit de sens, dopée à la fiction

La multiplication de références à la culture populaire dans la série — de Dickens à Mylène Farmer, de Lucky Luke à Sonic — n’est pas un hasard. Elle reflète une époque saturée d’images, de récits recyclés, de modèles prêts-à-rêver. Ces références sont omniprésentes dans la fiction, dans la publicité, dans les réseaux sociaux, et elles s’infiltrent logiquement dans nos imaginaires privés.

Dans la BD, elles ne sont ni sacralisées, ni moquées gratuitement. Elles sont remises en circulation, parfois comme réconfort, parfois comme satire, souvent comme révélateur d’un malaise plus profond : celui d’une société qui ne sait plus comment parler de ses émotions sans passer par des figures empruntées.

Tout le monde rêve… mais personne n’y croit complètement

Ce qui frappe, c’est que l’imaginaire touche tous les personnages, pas seulement l’enfant. Florian se rêve en chevalier, Sam en présentatrice glamour, Tristan en super héros. Même les adultes, censés être raisonnables, oscillent entre envie d’ailleurs et responsabilité forcée. Ce n’est pas un hasard si la chute de la planche montre l’un d’eux tenant une revue sans contenu, avec pour seule défense : « L’image parle pour elle-même. »

L'univers de Mylène Farmer n'est pas connu pour ses couleurs et sa joie de vivre !
L’univers de Mylène Farmer n’est pas connu pour ses couleurs et sa joie de vivre !

Cette tension entre rêve et désenchantement traverse la série. Chacun fait comme il peut pour échapper au réel — parfois pour de bon, parfois à ses risques et périls. La culture pop agit alors comme une prothèse narrative : elle permet de dire des choses sans les affronter directement. Elle rassure, elle distrait, elle apaise. Mais elle peut aussi endormir.

Des écrans partout, mais pas toujours de la culture

Plusieurs épisodes soulignent cette contradiction : on parle sans cesse de culture, mais ce qu’on consomme, c’est souvent du bruit. L’émission sur les slips et boxers, par exemple, symbolise une forme de vacuité médiatique : beaucoup de contenu, très peu de sens. Une ironie bien sentie, dans une époque où les polémiques et les classements futiles envahissent les chaînes d’info et les fils d’actualité.

Cette critique ne vise pas la pop culture elle-même, mais la manière dont elle est digérée, transformée, vendue. On ne lit plus Dickens, mais on s’en inspire vaguement. On chante Mylène, mais on ne comprend plus toujours ce qu’elle évoquait. Résultat : les personnages s’imaginent vivre des récits grandioses… alors qu’ils essaient juste de ne pas perdre pied dans leur quotidien.

Une narration fragmentée, à l’image des repères d’aujourd’hui

Dans Petites histoires de Mes papas et moi, les épisodes sont courts, souvent autonomes, fragmentés — comme les repères émotionnels de ses personnages. Chaque séquence pop n’est pas qu’un hommage : c’est une manière de donner forme à quelque chose de diffus. L’angoisse, le rejet, le déni, la solitude. On rêve d’être autre chose — non pas pour s’amuser, mais pour survivre symboliquement.

Tu t'envole, tu t'envole, tu t'envole !
Tu t’envole, tu t’envole, tu t’envole !

Ce n’est pas un hasard si l’enfant ne domine pas l’imaginaire : les adultes en sont tout aussi dépendants. C’est peut-être ça, la vraie rupture avec les BD jeunesse classiques : ici, l’imaginaire n’est pas un luxe de l’enfance, mais un symptôme partagé.

Rêver pour tenir debout

Au fond, ces récits n’accusent personne. Ils montrent simplement ce que beaucoup vivent : le besoin d’oublier un instant la réalité. On s’imagine ailleurs, en héros, en sorcier, en personnage de clip ou de dessin animé — non pas pour fuir durablement, mais pour supporter le présent. La fiction ne résout rien, mais elle aide à tenir debout, même quand tout semble bancal. Parfois, c’est déjà beaucoup.

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Mikl Mayer

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