Le 13 août dernier, quatre corps ont été repêchés dans la Seine, à Choisy-le-Roi. Quatre hommes, certains jeunes, certains en décomposition avancée, d’autres présentant des signes évidents de violences. Quelques jours plus tard, un cinquième corps était découvert en aval.
Une affaire glaçante. Et pourtant ? Quelques articles, quelques reportages… puis l’actualité a repris son cours.
Une police mobilisée
Il faut le souligner : les enquêteurs, eux, n’ont pas traîné. Les corps ont été identifiés en quelques jours grâce aux prélèvements ADN. Les vidéosurveillances ont été exploitées, des témoins entendus, et deux suspects ont rapidement été interpellés. L’un d’eux a déjà été mis en examen pour quatre meurtres et placé en détention provisoire. Autrement dit, la machine judiciaire s’est mise en route sans attendre.
Le problème n’est pas là. Le problème, c’est ce qui entoure l’affaire.
Des médias discrets, des débats absents
Certains médias ont relayé l’information : Le Monde et Le Parisien ont rapporté les faits, TF1 Info a diffusé un reportage sur le travail des experts, BFMTV, Cnews et La Dépêche ont parlé du cinquième corps. Même la presse internationale, de la BBCau New York Post, s’est intéressée au sujet.
Mais malgré cela, la couverture est restée timide. Pas de grandes unes, pas de débats en plateau, pas de mise en avant durable. Un quadruple meurtre réduit à un fait divers parmi d’autres, englouti par l’actualité.
Et les politiques ? Rien !
C’est là que le silence devient assourdissant. Aucun responsable politique majeur n’a réagi publiquement. Ni tweet, ni communiqué, ni déclaration officielle.
Et pourtant… Jean-Luc Mélenchon sait s’indigner rapidement dès qu’un drame ou une injustice frappe le pays. Bruno Retailleau, lui, n’a jamais manqué une occasion de rappeler son attachement à la justice et à la sécurité. Et les autres ? Où sont-ils ? Où est leur voix face à quatre, peut-être cinq meurtres, aux possibles relents homophobes ?
Quand la réalité rattrape la fiction
Dans ma BD Mes papas avant moi, un tueur surnommé le Maquilleur s’en prend à des jeunes gays. La police piétine, les médias bâclent, et les politiques détournent le regard. J’avais écrit cela comme une fiction critique. Aujourd’hui, la réalité semble lui donner un écho glaçant.
Silence coupable
On ne sait pas encore si ces meurtres avaient un mobile homophobe. La justice est en train d’instruire, et seule l’enquête dira si cette piste se confirme ou non. Si le doute existe, c’est parce que certaines victimes fréquentaient un lieu connu pour les rencontres homosexuelles. Ce contexte a suffi à pousser des associations comme Stop Homophobie à se constituer partie civile, mais il ne remplace pas une qualification judiciaire.
Ce qui ne fait aucun doute en revanche, c’est le silence. Le silence médiatique, avec une couverture minimale pour un quadruple meurtre. Le silence politique, sans une réaction, sans une parole publique. Qu’il s’agisse ou non de crimes homophobes, l’indifférence est la même : trop peu d’attention, trop peu d’indignation, trop peu d’importance accordée à des vies brisées. Comme si certaines valaient moins que d’autres.
Un schéma qui se répète
Ce n’est pas un cas isolé. En 2009, à Nancy, Jean-Pierre Humblot, militant associatif, est assassiné parce qu’il était gay : l’affaire a été jugée, mais reste ignorée des grands médias. En 2012, en Belgique, Ihsane Jarfi est torturé et laissé pour mort : le crime a choqué localement, mais en France, il n’a eu droit qu’à une couverture discrète. En 2018, à Vanves, un homme est retrouvé mutilé après une rencontre sur une appli gay : la presse locale s’y est attardée, mais l’affaire a vite disparu des radars. Même les agressions violentes à Paris, comme celle de Wilfried et Jody en 2013, avaient mobilisé quelques jours… avant de sombrer dans l’oubli.
À chaque fois, le scénario se répète : des vies brisées, une couverture minimale, et une absence quasi totale de réactions politiques.
Et maintenant ?
Quatre hommes ont été tués. Peut-être plus. Ils avaient une histoire, des proches, une vie. Ils méritaient mieux qu’une couverture timide et un silence politique assourdissant.
On ne demande pas des tweets creux. On demande de l’humanité, de l’indignation, de l’action. Parce que si l’on s’habitue à ce silence, alors oui, c’est lui qui tue vraiment.
La police, elle, a fait son travail en identifiant les victimes et en arrêtant des suspects. Reste à savoir si la justice, elle, fera le sien… jusqu’au bout.
Bravo pour cette analyse. Continuez comme ça, on vous soutient car ces crimes ne doivent pas rester impunis.