Mise à jour – 1er septembre 2025
Le 24 août, un jeune homme d’une vingtaine d’années a été mis en examen pour quatre meurtres après la découverte des cadavres dans la Seine à Choisy-le-Roi. Probablement de nationalité tunisienne, il aurait donné une fausse identité en se prétendant algérien, sans doute pour compliquer une éventuelle expulsion. Sans papiers, il vivait depuis trois ans en France, dans un squat au bord de la Seine, tout près de l’endroit où les corps ont été retrouvés.
Le cinquième corps, découvert quelques jours plus tard à Charenton-le-Pont, a été confirmé comme n’ayant aucun lien avec l’affaire
Un quadruple meurtre glaçant
Le 13 août, quatre corps ont été repêchés dans la Seine, à Choisy-le-Roi. Quatre hommes, certains jeunes, certains en décomposition avancée, d’autres présentant des signes évidents de violences.
Parmi eux, trois immigrés âgés de 21 à 26 ans — deux Algériens et un Tunisien — et un Français de 48 ans. Deux étaient sans domicile fixe, les deux autres vivaient dans le Val-de-Marne. Des trajectoires différentes, mais toutes brisées de la même manière, dans la même eau sombre.
Une police mobilisée
Les enquêteurs, eux, n’ont pas traîné. Les corps ont été identifiés en quelques jours grâce aux prélèvements ADN. Les vidéosurveillances ont été exploitées, des témoins entendus, et le suspect principal interpellé. Il possédait le téléphone d’une victime et avait utilisé la carte bancaire d’une autre.
Ce jeune homme n’était pas inconnu de la justice. Il avait déjà des antécédents judiciaires : un cambriolage, un vol avec dégradation et une infraction à la législation sur les étrangers.
La justice lui impute désormais quatre meurtres distincts, ce qui correspond à la définition communément admise en sciences humaines d’un tueur en série : une personne suspectée d’avoir tué, dans plusieurs séquences temporelles, au moins trois personnes. Même si la loi française n’emploie pas ce terme, l’affaire de Choisy-le-Roi s’en rapproche déjà.
Les magistrats et enquêteurs n’excluent pas que d’autres victimes puissent apparaître, notamment au regard du milieu social de certaines personnes tuées (milieu précaire, désocialisé). Mais pour l’instant, aucun indice concret ne permet de relier d’autres disparitions à ce suspect.
Des médias discrets, des débats absents
Certains médias ont relayé l’information : Le Monde et Le Parisien ont rapporté les faits, TF1 Info a diffusé un reportage sur le travail des experts, BFMTV, Cnews et La Dépêche ont parlé du cinquième corps. Même la presse internationale, de la BBCau New York Post, s’est intéressée au sujet.
Mais malgré cela, la couverture est restée timide. Pas de grandes unes, pas de débats en plateau, pas de mise en avant durable. Un quadruple meurtre réduit à un fait divers parmi d’autres, englouti par l’actualité.
Et les politiques ? Rien !
C’est là que le silence devient assourdissant. Aucun responsable politique majeur n’a réagi publiquement. Ni tweet, ni communiqué, ni déclaration officielle.
Et pourtant… Jean-Luc Mélenchon sait s’indigner rapidement dès qu’un drame ou une injustice frappe le pays. Bruno Retailleau, lui, n’a jamais manqué une occasion de rappeler son attachement à la justice et à la sécurité. Et les autres ? Où sont-ils ? Où est leur voix face à quatre, peut-être cinq meurtres, aux possibles relents homophobes ?
Quand la réalité rattrape la fiction
Dans ma BD Mes papas avant moi, un tueur surnommé le Maquilleur s’en prend à des jeunes gays. La police piétine, les médias bâclent, et les politiques détournent le regard. J’avais écrit cela comme une fiction critique. Aujourd’hui, la réalité semble lui donner un écho glaçant.
Silence coupable
On ne sait pas encore si toutes les victimes étaient homosexuelles. Au moins l’une l’était de façon certaine : elle s’était rendue sur le lieu de sa disparition pour avoir un rapport sexuel avec un homme, et les analyses scientifiques ont confirmé un rapport juste avant sa mort. Pour les autres, il existe des indices qui le laissent penser, sans certitude. Certaines victimes pouvaient aussi être bisexuelles.
En tout état de cause, la zone où elles ont disparu est connue comme un lieu de rencontres gay, propice aux relations furtives sans mise en relation préalable. C’est l’une des raisons pour lesquelles la piste de crimes homophobes est explorée.
Les enquêteurs étudient aussi un autre élément : la pratique religieuse du suspect. Selon des témoignages et l’exploitation de ses téléphones, il semblait avoir adopté une vision rigoriste de l’islam, sans que l’on puisse la qualifier d’extrémiste ou terroriste. Il avait plusieurs fois rappelé ses amis à l’ordre sur ce qu’il considérait comme un manque de ferveur religieuse. Sa dévotion, de plus en plus intense, aurait débuté peu avant les meurtres. Le suspect fréquentait d’ailleurs régulièrement la mosquée de Vitry-sur-Seine.
Mais attention : cela ne signifie pas pour autant qu’il a agi au nom de la religion. Le parquet antiterroriste ne s’est d’ailleurs pas saisi. Le mobile reste flou. Il pourrait s’agir d’une homophobie violente nourrie par sa pratique religieuse, ou de l’expression d’une homosexualité refoulée et honteuse. Aujourd’hui encore, aucune certitude n’existe.
Ce qui ne fait aucun doute, en revanche, c’est le silence. Silence médiatique, avec une couverture minimale pour un quadruple meurtre. Silence politique, sans réaction ni parole publique. Qu’il s’agisse ou non de crimes homophobes, l’indifférence reste la même : trop peu d’attention, trop peu d’indignation, trop peu d’importance accordée à des vies brisées. Comme si certaines valaient moins que d’autres.
Un schéma qui se répète
Ce n’est pas un cas isolé. En 2009, à Nancy, Jean-Pierre Humblot, militant associatif, est assassiné parce qu’il était gay : l’affaire a été jugée, mais reste ignorée des grands médias. En 2012, en Belgique, Ihsane Jarfi est torturé et laissé pour mort : le crime a choqué localement, mais en France, il n’a eu droit qu’à une couverture discrète. En 2018, à Vanves, un homme est retrouvé mutilé après une rencontre sur une appli gay : la presse locale s’y est attardée, mais l’affaire a vite disparu des radars. Même les agressions violentes à Paris, comme celle de Wilfried et Jody en 2013, avaient mobilisé quelques jours… avant de sombrer dans l’oubli.
À chaque fois, le scénario se répète : des vies brisées, une couverture minimale, et une absence quasi totale de réactions politiques.
Et maintenant ?
Quatre hommes ont été tués. Peut-être plus. Ils avaient une histoire, des proches, une vie. Ils méritaient mieux qu’une couverture timide et un silence politique assourdissant.
On ne demande pas des tweets creux. On demande de l’humanité, de l’indignation, de l’action. Parce que si l’on s’habitue à ce silence, alors oui, c’est lui qui tue vraiment.
La police, elle, a fait son travail en identifiant les victimes et en arrêtant un suspect. Reste à savoir si la justice, elle, fera le sien… jusqu’au bout.
Bravo pour cette analyse. Continuez comme ça, on vous soutient car ces crimes ne doivent pas rester impunis.