Depuis quelques années, les webtoons connaissent un essor fulgurant. Nés en Corée du Sud au début des années 2000, ils se sont imposés comme un format incontournable de lecture numérique, au point de transformer en profondeur le paysage de la bande dessinée mondiale.
Un webtoon est une bande dessinée pensée pour être lue en ligne, principalement sur smartphone. Contrairement aux albums papier, conçus pour un format fixe, il se déploie en défilement vertical. Ce choix technique facilite la lecture sur écran et ouvre la voie à de nouveaux effets narratifs.
Un succès planétaire
Le modèle coréen a rapidement conquis l’Asie, puis le reste du monde. Aujourd’hui, la plateforme Webtoon revendique plus de 85 millions d’utilisateurs actifs mensuels dans plus de 100 pays. Certaines séries dépassent même le cap des 500 millions de lectures, devenant de véritables phénomènes culturels.
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Parmi les plus grands succès, Heartstopper d’Alice Oseman illustre parfaitement ce parcours. Né en webcomic, le récit a séduit un immense lectorat avant de se prolonger en librairie, puis à l’écran avec l’adaptation de Netflix. D’autres titres comme Lore Olympus (plus d’un milliard de vues), Tower of God ou Solo Leveling ont suivi le même chemin, confirmant le rôle du numérique comme tremplin pour les auteurs.
Une nouvelle manière de créer
Le webtoon n’est pas qu’un nouveau canal de diffusion. Le défilement vertical modifie la mise en scène : il permet d’étirer une action, de jouer avec l’espace vide ou encore de provoquer des révélations spectaculaires en un simple geste. Ces codes narratifs, propres au numérique, renforcent l’immersion et donnent aux auteurs de nouveaux outils pour surprendre leurs lecteurs.
Le cas de la France
En France, le webtoon est arrivé plus tardivement mais s’est rapidement imposé. Selon le SNE, le marché représentait déjà près de 30 millions d’euros en 2023, avec une croissance de plus de 40 % par an. Les grands éditeurs s’y intéressent désormais : Delitoon poursuit son développement et, la même année, le groupe Média Participations a lancé ONO, une plateforme 100 % française dédiée au webtoon, aujourd’hui partenaire de Glénat.
Mais l’essor ne repose pas uniquement sur ces acteurs industriels. De nombreux auteurs indépendants publient aussi leurs œuvres directement en ligne, créant une offre plus variée et parfois plus audacieuse. Ce mélange entre projets éditoriaux et initiatives personnelles reflète la vitalité du format, qui attire de plus en plus de jeunes lecteurs habitués au numérique.
La fermeture de Piccoma Europe : un avertissement pour le webtoon en France
En mai 2024, Kakao a annoncé la fermeture de Piccoma Europe, sa plateforme lancée à Paris en 2022. Le service a officiellement cessé ses activités le 30 septembre 2024, après seulement deux ans d’existence. Malgré des investissements importants, la croissance du marché français n’a pas été jugée suffisante pour poursuivre l’aventure.
Cette fermeture illustre les difficultés rencontrées par les plateformes étrangères pour s’implanter en Occident. Elle rappelle que, si le webtoon séduit de plus en plus de lecteurs, il reste complexe de trouver un modèle économique viable en dehors de l’Asie, notamment face aux coûts de traduction, de licences et à un lectorat encore en construction.
Les artistes indépendants du webtoon
À côté des grandes plateformes, plusieurs créateurs prouvent qu’il est possible de réussir en marge des circuits traditionnels. David Revoy, avec Pepper & Carrot, a choisi de publier gratuitement sous licence libre, laissant sa communauté traduire la série en plus de 50 langues. De son côté, Maliki s’est imposée comme une figure de l’indépendance : née sur le web dans les années 2000, elle finance aujourd’hui ses albums grâce au soutien direct de ses lecteurs via Patreon et Ulule.
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Ces démarches montrent que le webtoon peut être un terrain de liberté, où chaque auteur invente son modèle économique, qu’il repose sur la gratuité, l’édition participative ou les abonnements. Elles rappellent aussi que l’indépendance n’empêche pas le succès, bien au contraire : elle permet souvent de créer un lien plus fort avec la communauté de lecteurs.
La WebBD de Mikl Mayer
En marge des grandes plateformes, certains auteurs choisissent de développer leur propre espace de diffusion. C’est le cas de Mikl Mayer, qui propose sur ce site une WebBD regroupant plus de 450 pages en ligne, dont une centaine accessibles gratuitement. On y trouve plusieurs séries aux univers variés, comme Mes papas & moi, Le monde selon Loïc – qui a dépassé les 200 000 vues – ou encore En caisse !, Animaux & compagnie et Toyo.
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Un nouvel épisode est publié chaque dimanche, assurant une continuité de lecture. Ce modèle, proche de celui des grandes plateformes mais développé à une échelle individuelle, illustre l’émergence d’initiatives indépendantes qui participent à la diversité du paysage webtoon en France.
Vers une cohabitation avec le format papier
Le webtoon ne remplace pas l’album classique, il l’accompagne. Certains lecteurs découvrent la bande dessinée par ce biais, d’autres apprécient de retrouver sur papier les histoires suivies en ligne. Cette complémentarité illustre la capacité du neuvième art à s’adapter aux nouveaux usages sans renier son héritage.
